Un sexe et une cascade ininterrompue de stéréotypes. De la naissance au cercueil, nos sociétés sont structurées autour de la notion de (deux) genres... et de leurs modèles établis. C'est une construction collective, solide, millénaire. C'est intériorisé, c'est par défaut. Ça ne se discute pas.
MANUEL ANTONIO DOMÍNGUEZ. LA RELACIÓN ESTABLE. Redibujando el género (Redessiner le genre)
Avec La relación estable, Manuel Antonio Domínguez fait exploser cette structure dans une très belle proposition artistique. À commencer par un dessin monumental de 16 mètres de long. L'artiste andalous questionne les notions qui entrent dans la "composition" des identités sexuelles et de genre. Il connecte, fait cohabiter, joue avec différentes idées communément associées à la masculinité et à la féminité. Et nous rend impossible l'étiquetage ! À nous d'interpréter les scènes, puisqu'aucune des minutieuses compositions ne procure de clé pour une lecture définitive, une fois jeté le premier coup d'œil, subjectif.
Question style, on est dans la ligne claire et dans un travail du détail, à l'aquarelle, qui force à s'attarder... Une narration d'autant plus prenante qu'elle promet de nombreux doutes.
L'exposition fait partie du programme d'art contemporain Conexiones, qui en est à sa treizième année. À chaque édition, le musée ABC, injustement méconnu (cette expo en est une preuve de plus) et la Fondation Santander proposent à un artiste contemporain une carte blanche à partir de leurs collections propres. Manuel Antonio Domínguez a choisi, pour défier ses créations entre-genres, deux superbes bustes rococo, de la Manufacture d'Alcora, datés de 1750. Un style ornemental qui avait tendance à "féminiser" les sujets masculins. Et deux illustrations de couverture de la revue Blanco y Negro, des années 30, à l'élégante esthétique Art Déco. L'une, une figure masculine bien couillue, est de Hipólito Hidalgo de Caviedes (1931); l'autre, de Marta y María de Abelardo Parrilla Candela (1936), s'intéresse aux rôles nouveaux qu'on a bien voulu donner aux femmes dans l'entre-deux-guerres. Des travaux qui, comme ceux de Manuel, portent des interprétations multiples.
Dans ce beau musée consacré au dessin, on est toujours surpris par le dynamisme et l'audace. D'autant plus que le journal ABC (dont les archives constituent la base de la collection) se situent, sur le plan des idées, plus à côté de la monarchie et de sa sainte mère que du côté de la World Pride, qui vient de cartonner à Madrid. Ici des œuvres de temps éloignés se toisent, se rapprochent, s'intriguent... S'offrent de nouveaux points de vue et entraînent les visiteurs dans un voyage amusant.
Hipólito Hidalgo de Caviedes (1931)
MANUEL ANTONIO DOMÍNGUEZ ::: LA RELACIÓN ESTABLE
Jusqu'au 24 septembre, Museo ABC del Dibujo, calle Amaniel 29-31, Madrid